Portrait alumni - Isabelle Bard-Auguste, Directrice d'un syndicat intercommunal

Portrait alumni - Isabelle Bard-Auguste, Directrice d'un syndicat intercommunal

Aujourd'hui, nous partons à la rencontre d'Isabelle, directrice d'un syndicat intercommunal et alumni 2020 d’Enseis. A travers son témoignage, Isabelle nous parle de son métier, de ses missions au quotidien et revient sur vingt années d'expérience terrain dans le domaine de la protection de l'enfance.

Bonjour Isabelle, pouvez-vous nous parler un peu de votre métier en tant que directrice d'un syndicat intercommunal ?

En tant que directrice d'un syndicat intercommunal, mon travail consiste à collaborer avec des élus pour fournir des services essentiels à plusieurs communes. Nous opérons dans une zone rurale où les petites communes ne peuvent pas offrir tous ces services individuellement. C'est pourquoi elles se sont regroupées au sein du syndicat pour proposer une offre cohérente à l'échelle du territoire et ainsi mutualiser les ressources. Par exemple, nous avons une crèche et un guichet unique pour la petite enfance, soutenant ainsi les assistantes maternelles. Nous avons également des centres de loisirs et un comité intercommunal des jeunes pour les activités des enfants plus âgés. Dans notre secteur sans lycée, nous avons créé des espaces dédiés aux jeunes pour leur permettre de se rassembler, de partager, de développer des projets à proximité de chez eux. Par exemple, un voyage de trois jours a été organisé la semaine dernière pour visiter l’assemblée nationale à Paris et assister à un vote dans l’hémicycle pour 10 adolescents de nos communes.

Quelles sont les qualités requises pour exercer ce métier ?

Il est essentiel de posséder une connaissance approfondie du cadre légal dans les domaines de la petite enfance et de l'enfance plus généralement, comprenant le fonctionnement des crèches, des centres de loisirs et les obligations qui leur incombent. En tant que directrice, je veille à la cohérence de tous les services en travaillant en étroite collaboration avec les chefs de service. Mon objectif est de favoriser la coopération et la réalisation de projets communs.

Par exemple, à l’initiative d’une directrice d'école, nous allons soutenir un festival du livre sur le thème du cirque qui se déroulera tout au long de l'année scolaire 2023/2024. Cela permet de mobiliser l'ensemble des services du syndicat autour de la lecture donc de la culture, l'une de nos compétences clés.

Quels sont les défis que vous rencontrez au quotidien ?

Ayant pris mes fonctions il y a un peu plus de cinq mois, je suis actuellement en période d'adaptation. Mon rôle implique de jongler entre les réalités du terrain et les décisions prises par les élus. Chaque commune a ses propres besoins et contraintes budgétaires, ce qui rend parfois difficile de répondre à toutes les demandes.

En tant que directrice, je suis également confrontée aux demandes des habitants, qui expriment, par exemple, le besoin d'un soutien à la parentalité pour les parents d'adolescents en crise.

Cependant, nos ressources peuvent être limitées par rapport à ce qui est disponible dans les grandes villes, il n’y a pas de maison des adolescents en milieu rural, là où il est déjà difficile de maintenir une couverture médicale adaptée. Le défi consiste donc à concilier les contraintes budgétaires avec la nécessité de fournir un service de qualité.

Vous avez commencé votre parcours en tant qu'éducatrice spécialisée, puis vous êtes devenue responsable, chef de service pour finalement prendre vos responsabilités de directrice. Qu'est-ce que ces expériences vous ont appris ?

Après vingt années d'expérience sur le terrain de la protection de l'enfance, j'apprécie le chemin parcouru. Cette période m'a confrontée à une grande diversité de problématiques. J'ai eu l'occasion de travailler avec des parents en difficulté, tant sur le plan des compétences parentales que sur celui de la détresse sociale et affective des familles. Cette expérience m'a permis de saisir les divers besoins sociaux et les raisons qui poussent les familles à solliciter ou non de l'aide.

En observant les professionnels de ce domaine, j'ai pu constater la diversité des réponses et des approches adoptées. Dans notre métier de travailleur social, il est primordial de ressentir une volonté sincère de rencontrer l'autre et c’est ce qui épuise aussi.

En plus de votre formation, avez-vous acquis des valeurs, des façons de travailler ou des expériences à l’IRFAS de Firminy, devenu ENSEIS ?

Durant ma formation en tant qu'éducatrice spécialisée, l’IRFAS à Firminy insistait déjà sur l'importance de la transversalité. Cette approche met en avant la valeur résultant de la diversité des perspectives et des méthodes. Au fil du temps, je suis devenue de plus en plus convaincue de son importance fondamentale. La richesse vient du partage des points de vue liés aux compétences de chaque métier. Cette vision large permet à la famille de trouver de la cohérence dans le service qui lui répond.

Il est essentiel de ne pas s'enfermer dans sa propre discipline, que ce soit le travail social, les soins ou l'éducation. Nous devons également prendre en compte les contraintes financières, car il n'est pas possible de développer des services de manière illimitée. Notre objectif consiste à trouver ensemble des solutions réalisables et à soutenir au mieux les projets en fonction des ressources dont nous disposons. Ce qui demande une capacité constante d’évaluation et d’adaptation.

Quels conseils donneriez-vous à ceux qui vont prendre des responsabilités de direction ou de responsables de service après un CAFERUIS ?

Chaque équipe possède sa propre dynamique et ses particularités. Lorsque l'on intègre un nouveau secteur géographique ou domaine, il est essentiel de consacrer du temps à s'immerger dans ce nouvel environnement et à écouter attentivement. Cette démarche permet de comprendre le contexte précédent. Dans mon cas, j'ai pris la responsabilité d'une équipe qui était sans direction depuis plus d'un an, et où la personne précédente avait laissé une mauvaise impression. L'équipe souffrait d'un déficit de confiance important vis-à-vis du rôle de la direction. Il est donc crucial de prendre conscience de ce contexte et d'observer attentivement avant de mettre en place sa propre feuille de route.

Y a-t-il un processus d'intégration spécifique au CAFERUIS qui est abordé lors de la prise de poste ?

En ce qui me concerne, je n'ai pas bénéficié d'un processus d'intégration spécifique au CAFERUIS. Cependant, ce qui m'a été extrêmement bénéfique, c'est d'avoir eu l'occasion de rencontrer et de partager avec les futurs chefs de service de ma promotion, issus d’horizons différents.

Ces rencontres ont révélé que chacun de nous avait sa propre vision de la posture managériale. Les feuilles de route sont différentes selon les associations, les services, c’est pourquoi il faut être aligner entre ce que nous sommes et ce que nous portons comme projet, valeurs auprès de nos salariés, agents ou financeurs. Dans ma promotion, malgré nos différences, nous avons cherché ensemble à les harmoniser. Par ailleurs, nous avons participé à des jeux de rôle qui, malgré les difficultés parfois rencontrées, nous ont permis d'apprendre et de nous préparer à la gestion d'une équipe. Il est essentiel de demeurer fidèle à ses propres valeurs en tant que directeur ou chef de service.

Donc, il est essentiel de s'inscrire dans sa propre légitimité et de rester humble dans son rôle de directeur ou chef de service ?

Il est crucial de parvenir à un équilibre entre assumer le rôle de guide pour l'équipe et rester ouvert aux expériences et à l'expertise de ses membres. Imposer son autorité sans tenir compte des connaissances et/ou des expériences des autres, peut engendrer des tensions. Dans cette optique, il est essentiel de faire preuve d'humilité, de partager ses propres expériences et de favoriser la construction d'une confiance mutuelle au sein de l'équipe. Le cadre de travail se construit dans la durée. Grâce à ce travail en interne solide, nous pouvons ensuite construire des partenariats, chacun à sa place dans son domaine de compétence. Aujourd’hui, il est impossible de travailler dans sa bulle.

Et finalement, qu'est-ce qui vous plaît le plus dans votre métier actuel ?

J'ai une réelle passion pour les domaines dans lesquels j'exerce, notamment l'enfance, la petite enfance et la jeunesse. Actuellement, nous travaillons sur un projet visant à offrir un accès tout public à la culture dans les zones rurales. Cette initiative nous permettra d'organiser un accès à la culture musicale, artistique, architecturale, patrimoniale… cette culture qui permet de réinscrire chacun dans la grande histoire de l’humanité et de sortir de l’isolement. Ce qui me plaît particulièrement, c'est la liberté dont je dispose pour développer ces services, en fonction des décisions prises par les élus, tout en contribuant à renforcer le tissu social de notre territoire.

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